La Fête de la Saint-Nicolas en Lorraine et dans le Nord de la France
Introduction
La fête de la Saint-Nicolas, célébrée le 6 décembre, est l’un des symboles culturels les plus forts de la Lorraine et du Nord de la France. À la fois religieuse et populaire, elle incarne la générosité, la lumière et la solidarité au cœur de l’hiver. Depuis le Moyen Âge, cette célébration est à la fois un moment de ferveur religieuse, une fête communautaire et une source de fierté régionale.
En Lorraine : un culte identitaire et historique
Le protecteur des Lorrains
En Lorraine, Saint Nicolas est le patron de la région depuis la victoire du duc René II sur Charles le Téméraire en 1477. Convaincu d’avoir remporté la bataille grâce à l’intercession du saint, le duc fit de Saint Nicolas le protecteur du duché. Depuis, les Lorrains lui vouent une dévotion fidèle. La ville de Saint-Nicolas-de-Port, proche de Nancy, est devenue le centre spirituel du culte : sa basilique, construite à la fin du XVe siècle, abrite une relique du saint rapportée de Bari.
Processions et veillées
La fête débutait la veille au soir, le 5 décembre, par des Vêpres solennelles et des processions aux flambeaux. Le lendemain matin, le saint était honoré lors d’une grande messe, suivie d’un cortège dans les rues. Des enfants, vêtus de blanc, accompagnaient une statue du saint, tandis que les fidèles chantaient « Ô Grand Saint Nicolas, patron des écoliers ». Les maisons étaient décorées de bougies et de branches de sapin, et le soir, les familles partageaient un repas de fête à base de charcuterie, de vin chaud et de pain d’épices.
Le défilé de Nancy
Dès le XIXe siècle, la Saint-Nicolas prit à Nancy un caractère populaire et festif. Aujourd’hui encore, le grand défilé de Saint Nicolas rassemble plus de 200 000 spectateurs. Le saint, en habits épiscopaux, défile sur un char, bénissant la foule, suivi du redouté Père Fouettard, figure sombre menaçant les enfants désobéissants. Des chars illuminés, des fanfares et des feux d’artifice transforment la ville en un immense théâtre hivernal.
Douceurs lorraines
La tradition culinaire accompagne la fête :
- Pain d’épices de Saint-Nicolas : décoré de dorures ou de glaçages blancs.
- Mannalas : brioches en forme de petit bonhomme.
- Couques : figurines sucrées offertes aux enfants.
La vie de Saint Nicolas
Né vers 270 après J.-C. à Patara, en Lycie (actuelle Turquie), Nicolas de Myre devint très jeune évêque de la ville de Myre, dans l’Asie Mineure byzantine. Fils unique d’une famille aisée et pieuse, il se distingua dès son enfance par sa compassion envers les pauvres et les enfants. Après la mort prématurée de ses parents, il distribua toute son héritage aux plus démunis.
Sous le règne de l’empereur Dioclétien, Nicolas fut emprisonné pour sa foi chrétienne. Libéré après la paix de Constantin, il reprit son ministère pastoral, multipliant les actes de charité et les miracles : il sauva des marins d’un naufrage, libéra des prisonniers et secourut les orphelins.
Il mourut vers 345 et son tombeau, situé à Myre, devint très vite un lieu de pèlerinage. En 1087, des marins italiens transportèrent ses reliques à Bari, en Italie, où elles sont toujours vénérées. C’est à partir de cette époque que son culte se diffusa largement en Europe, notamment en Lorraine, où il fut proclamé saint patron et protecteur.
Cette vie exemplaire, marquée par l’altruisme et la foi, fit de Saint Nicolas l’une des figures les plus populaires de la chrétienté et inspira d’innombrables légendes et traditions à travers le monde.
Les légendes de Saint Nicolas
Le miracle des trois enfants
C’est la plus célèbre des histoires de Saint Nicolas. Trois petits enfants, égarés dans la campagne, trouvèrent refuge chez un boucher qui les tua et les mit au saloir. Sept ans plus tard, Saint Nicolas frappa à la porte, demanda du petit salé, bénit le saloir et ressuscita les enfants. Cette légende médiévale incarne la protection des innocents, la justice divine et le triomphe du bien sur le mal. Elle est encore chantée chaque année dans les écoles et les foyers : « Il était trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs… »
Les trois jeunes filles sans dot
Une autre légende raconte qu’un père ruiné, incapable de marier ses trois filles faute de dot, envisageait de les vendre. Saint Nicolas, apprenant leur détresse, leur jeta trois bourses d’or par la fenêtre, qui tombèrent dans leurs souliers. Ce geste inspira la tradition des cadeaux dans les chaussures.
Les marins sauvés de la tempête
Selon une légende maritime, Saint Nicolas calma une mer déchaînée et sauva des marins en péril. Depuis, il est devenu le protecteur des navigateurs. Des chapelles côtières du Nord et de la Manche lui sont encore consacrées.
Les trois officiers innocents
Enfin, Saint Nicolas aurait sauvé trois officiers injustement condamnés à mort en apparaissant dans leurs geôles et en confondant le juge corrompu. Ce miracle en fit le patron des prisonniers et des victimes d’injustice.
Ces récits, mêlant foi et morale, forment le socle de la légende du saint et expliquent son immense popularité en Europe.
Dans le Nord de la France : les traditions flamandes et wallonnes
Le Sinterklaas et le Père Fouettard
Dans le Nord et le Pas-de-Calais, la Saint-Nicolas s’inspire du Sinterklaas hollandais et belge. Le saint, en habit d’évêque, arrive souvent en barque ou à dos d’âne, accompagné du Père Fouettard (Zwarte Piet en Flandre), qui distribue des réprimandes symboliques. La veille du 6 décembre, les enfants déposent leurs sabots avec une carotte pour l’âne et découvrent au matin spéculoos, massepain, pommes, noix et oranges.
Les foires et les réjouissances
À Lille, Valenciennes, Douai ou Cambrai, la Saint-Nicolas donnait lieu à de grandes foires d’hiver. Les rues étaient animées par des chanteurs, jongleurs et artisans. On y vendait des jouets en bois, du pain d’épices et des figurines de sucre. Les adultes buvaient du vin chaud ou de la bière ambrée, autour des braseros. Les écoles accueillaient la visite du saint, qui félicitait les bons élèves et offrait des récompenses.
Symboles du Nord
- Spéculoos : biscuits croquants gravés à l’effigie du saint.
- Massepain : pâte d’amande modelée en fruits ou personnages.
- Pièces dorées en chocolat : rappel des trois bourses d’or des jeunes filles pauvres.
Une fête de mémoire et de transmission
Aujourd’hui encore, la Saint-Nicolas demeure profondément vivante dans le Nord et l’Est de la France. À Nancy, les célébrations sont inscrites au patrimoine culturel immatériel. Les écoles perpétuent la coutume du passage du saint, avec spectacles, contes et goûters. Dans le Nord, les familles prolongent la tradition flamande en décorant les maisons et en préparant spéculoos et brioches.
Au-delà du folklore, la fête transmet un message de bonté, de justice et de solidarité, reflet de la mémoire collective des régions.
Ressources
- Musée de Saint-Nicolas-de-Port – https://musee-saintnicolas.fr
- Ville de Nancy – Fêtes de Saint Nicolas – https://www.nancy.fr/saintnicolas
- Archives départementales du Nord – https://archivesdepartementales.lenord.fr
- Centre de la culture flamande – https://ccf-france.fr
- Gallica (BNF) – sources anciennes et iconographie : https://gallica.bnf.fr
Conclusion
La Saint-Nicolas en Lorraine et dans le Nord est à la fois une fête religieuse, historique et morale. En honorant le protecteur des enfants et des plus démunis, les communautés perpétuent une tradition vieille de plus de mille ans. De Saint-Nicolas-de-Port à Lille, les cortèges, les chants et les douceurs de décembre rappellent que, même au cœur de l’hiver, la lumière du saint continue de briller dans la mémoire et les cœurs des Français.
