Principauté de Salm et de Salm-Salm

La principauté de Salm-Salm est un petit État souverain de l’Ancien Régime situé dans le massif vosgien, issu de la partition de l’ancien comté de Salm. Elle n’existe que de 1751 à 1793, mais son héritage remonte au Moyen Âge. Originaire des Ardennes luxembourgeoises, la maison de Salm s’implante dans les Vosges au XIIe siècle en devenant protectrice (avoué) de l’abbaye bénédictine de Senones. Au fil des siècles, les comtes de Salm étendent leur autorité sur les terres environnantes, exploitant forêts et gisements de fer des Vosges. Au XVIe siècle, la dynastie se divise en deux branches – l’une francophone, alliée aux ducs de Lorraine, l’autre germanophone, issue des wildgraves (comtes sauvages) du Rhin. Ces deux branches se réunissent temporairement en 1571, lorsque Jean IX de Salm (catholique) et son beau-frère le rhingrave Frédéric (protestant) s’emparent conjointement de la seigneurie de l’abbaye de Senones par un coup d’État. Le territoire demeure alors partagé en indivision entre les Salm lorrains et les Salm rhénans. Ce comté de Salm en Vosges est finalement scindé en 1598 : Jean IX, sans héritier direct, lègue sa part à sa nièce Christine de Salm, épouse du duc François de Lorraine, tandis que l’autre part reste aux descendants du rhingrave Frédéric. Dès lors, le pays de Salm devient un puzzle féodal : une moitié intégrée au duché de Lorraine (via Christine), l’autre relevant de la famille de Salm élevée au rang princier dans le Saint-Empire.

Histoire politique et territoriale de la principauté

Érection en principauté impériale 

En 1623, le comte Philippe-Othon de Salm – fils du rhingrave Frédéric – est converti au catholicisme et reçoit du prince-évêque de Metz puis de l’empereur Ferdinand II le titre de prince d’Empire, érigeant sa part du comté en première principauté de Salm. Cette principauté impériale de Salm (dite Salm-en-Vosges) coexiste avec l’autre part du comté intégrée à la Lorraine. Les deux territoires restent entremêlés : villages et vallées sont souvent divisés entre co-seigneurs salmiens et lorrains, une même localité pouvant être coupée en deux domaines se faisant face de part et d’autre d’une rue. Le prince Philippe-Othon règne jusqu’en 1634, suivi de ses successeurs Léopold (†1663), Charles-Théodore-Othon (†1710) puis Louis-Othon (1674-1738). Louis-Othon de Salm, dernier prince de cette seconde dynastie salmienne, ne laisse à sa mort que deux filles, Dorothée et Christine. La dignité princière passe alors par mariage à un autre rameau de la famille : en 1719, la princesse Dorothée de Salm épouse son cousin Nicolas-Léopold de Salm, issu de la branche cadette des ducs de Hoogstraten. Ce mariage réunit les deux lignées et permet à la principauté de « rester dans la famille ». En 1739, l’empereur confirme Nicolas-Léopold comme prince régnant ; celui-ci prend en 1743 le titre de prince de Salm-Salm pour marquer l’union des deux branches dynastiques. La principauté de Salm-Salm est née, bien que le territoire demeure morcelé et toujours enclavé entre la Lorraine française et l’Alsace.

Refonte du territoire en 1751 

L’avènement de Nicolas-Léopold coïncide avec de profonds changements géopolitiques. Par le traité de Vienne (1738), le duc François III de Lorraine doit céder ses États à Stanislas Leszczyński (beau-père de Louis XV) à titre viager, avant rattachement de la Lorraine à la France. Le prince de Salm-Salm craint alors, non sans raison, que son propre domaine ne soit absorbé par le royaume de France lors de l’intégration lorraine. Après de longues négociations, Nicolas-Léopold obtient la garantie de l’indépendance de ses terres. Une convention signée à Paris le 21 décembre 1751 entre le prince, Louis XV et Stanislas prévoit un remembrement complet : les multiples enclaves sont échangées de part et d’autre afin de constituer deux zones contiguës. La Lorraine récupère l’ouest de l’ancien comté (notamment Badonviller et la seigneurie de Fénétrange), tandis que les princes de Salm-Salm reçoivent en pleine propriété l’est du territoire, homogène et d’un seul tenant, centré autour de la vallée de Senones. Senones, ancien bourg monastique, devient la capitale de la principauté. Celle-ci s’étend désormais sur environ 240 km² pour ~10 000 habitants, englobant une trentaine de localités des deux côtés de la crête vosgienne (vallée du Rabodeau et haute vallée de la Bruche). Parmi elles figurent les bourgs principaux de Senones, La Broque, Grandfontaine, Salm (village au pied du château) et plusieurs bans forestiers (Plaine, Gérardménil, etc.).

Un État souverain enclavé 

De 1751 à la Révolution, la principauté de Salm-Salm constitue un micro-État pleinement souverain au sein du Saint-Empire, bien que concédé à la France un droit de libre passage militaire sur son territoire. Coincée entre la Lorraine (devenue française en 1766) et l’Alsace, elle fait figure d’enclave germanique en terre francophone. Les princes de Salm-Salm émettent leurs propres lois, perçoivent l’impôt et maintiennent une petite armée princière. Ils frappent monnaie à leur effigie – l’atelier de Badonviller avait produit dès les années 1620 des testons aux armes de Salm – et conservent leurs titres de princes d’Empire siégeant à la Diète impériale jusqu’en 1790. La capitale Senones est transformée pour refléter ce statut princier : face à l’ancienne abbaye se dressent un palais princier, des hôtels particuliers et une place d’armes. La petite cour germanique des Salm-Salm, établie en territoire désormais entouré par le royaume de France, apporte un mode de vie et une administration aux influences à la fois lorraines, françaises et impériales.

Administration et vie intérieure 

Sous le règne éclairé de Nicolas-Léopold (prince de 1751 à 1770), la principauté connaît un réel essor. S’inspirant des idées des Lumières, le prince instaure à Senones une école primaire obligatoire et gratuite avant même la Révolution – une mesure sociale audacieuse pour l’époque. Il dote l’État de tous les attributs nécessaires : une chancellerie, un système judiciaire autonome, une administration des finances, ainsi qu’un calendrier fiscal et juridique distinct de la France voisine. Le droit local reste influencé par les anciennes coutumes lorraines et impériales. Sur le plan religieux, la principauté est officiellement catholique (elle dépend du diocèse de Toul, puis de Saint-Dié), mais la présence de protestants y est tolérée, héritage des seigneurs luthériens du XVIe siècle. Par exemple, les anabaptistes mennonites trouvent refuge dans les forêts salmiennes au XVIIIe siècle – un chêne planté à Salm commémore encore l’exemption dont ils bénéficièrent en 1793 lors de la conscription révolutionnaire. Ce cosmopolitisme religieux mesuré n’empêche pas les princes de rester étroitement liés à l’Église catholique : l’un des fils de Nicolas-Léopold, Guillaume-Florentin de Salm-Salm, sera chanoine à Strasbourg puis évêque de Tournai et de Prague.

Économie et ressources 

Les princes de Salm tirent profit des richesses naturelles de leur État. La principauté est en grande partie recouverte de forêts de sapins dans lesquelles on exploite du bois d’œuvre et on alimente des scieries. L’agriculture vivrière y cultive seigle, orge, sarrasin, pommes de terre, ainsi que du chanvre et du lin dans les vallées. Le gibier abonde (chevreuils, sangliers, lièvres, truites dans les cours d’eau), ce qui fait du domaine un terrain de chasse prisé. Surtout, le sous-sol vosgien recèle des gisements métallifères importants (fer principalement). Dès 1561, les Salm exploitent à Framont-Grandfontaine l’une des premières forges « modernes » de la région, où la fonte est coulée en continu toute l’année. Au XVIIIe siècle, les forges de Salm-Salm occupent plus de 400 ouvriers et produisent du fer et de la fonte réputés. Ce patrimoine industriel – haut fourneau, fonderie et martinet – constitue la principale richesse des princes. Après l’annexion de 1793, les forges seront vendues comme bien national à la famille Champy, qui poursuivra l’exploitation jusqu’en 1857. Outre la métallurgie, la principauté encourage l’artisanat local : tissages de chanvre et de lin, tanneries, verreries, et même l’édition d’ouvrages érudits. En 1754, Dom Calmet, savant bénédictin de Senones, reçoit Voltaire en visite – signe de l’attractivité intellectuelle temporaire de cette micro-cour princière.

Conflits et faits militaires 

Par sa position frontalière, le pays de Salm subit les soubresauts des grandes guerres sans en être le théâtre principal. Durant la guerre de Trente Ans (1618-1648), la région reste relativement épargnée jusqu’en 1635, mais connaît alors pillages, réquisitions et épidémies. L’année 1635 voit une flambée de procès en sorcellerie et une grave poussée de peste dans les villages salmiens, conséquences de la misère et de la panique ambiantes. Le pays sert de zone de cantonnement pour des troupes impériales et suédoises successives – la proximité des combats en Alsace voisine rend la situation précaire. Lors des guerres de Louis XIV (fin XVIIe siècle), la principauté, neutre, doit tolérer le passage des armées françaises et impériales. Louis XIV obtient d’ailleurs en 1679 le droit de garnison à Senones, préfigurant l’influence française. Au XVIIIe siècle, les princes de Salm-Salm sont eux-mêmes engagés au service de l’Empire : Nicolas-Léopold est feld-maréchal de l’armée impériale, et son fils Constantin sera officier au régiment des Gardes du Corps de l’empereur. En parallèle, la France associe la petite cour de Salm à son orbite par des honneurs militaires : en 1783, Louis XVI créé un régiment de Salm-Salm Infanterie (régiment étranger au service français), dont le prince Emmanuel de Salm-Salm est propriétaire-colonel. Ce régiment, cantonné en Alsace, recrute de nombreux soldats locaux jusqu’à sa dissolution en 1791. Enfin, à la veille de la Révolution, une modeste Garde princière stationne à Senones – force symbolique dont la relève en costume d’époque est encore reconstituée aujourd’hui par des bénévoles pour le folklore.

Chute et annexion révolutionnaire 

La Révolution française de 1789 va sceller le sort de la principauté. Bien que vivant sous un régime indépendant où les impôts sont modérés et le travail assuré, les sujets de Salm-Salm ne restent pas indifférents aux idées nouvelles. Dans leurs cahiers de doléances de 1789, les Principautaires expriment des griefs contre l’autorité du chancelier du prince, jugé autoritaire et « trop germanique ». Face à la tourmente révolutionnaire et aux guerres qui s’annoncent en 1791, le dernier prince régnant, Constantin-Alexandre de Salm-Salm (né en 1762), prend la décision de quitter Senones. Le 15 août 1791, craignant pour sa sécurité, il se réfugie avec sa famille dans son château d’Anholt en Westphalie (possession héritée par sa mère). Le gouvernement du mini-État est alors assuré par un conseil de tutelle, mais la situation devient intenable : la Convention nationale française, en guerre contre les monarchies européennes, considère l’enclave salmienne comme un foyer potentiel d’émigrés et interdit tout commerce avec elle. Dès lors, la famine menace les 10 000 habitants isolés. En février 1793, après d’ultimes tractations infructueuses, la population de Salm-Salm envoie des délégués à Paris pour négocier le rattachement pur et simple à la République. L’offre est saisie : le 2 mars 1793, un décret de la Convention prononce l’annexion de la principauté de Salm-Salm à la France. Le territoire est rattaché au département des Vosges (district de Senones). Les propriétés du prince – châteaux, forges, forêts – sont confisquées et vendues comme biens nationaux. Les riches collections d’art et la bibliothèque princière sont en partie transférées à Épinal pour former le noyau du musée départemental. Ainsi prend fin la principauté, emportée par la tourmente révolutionnaire.

Après 1793 

Bien que médiatisé (privé de souveraineté), le prince Constantin de Salm-Salm conserve son titre nobiliaire. En compensation de la perte de Senones, sa famille obtiendra en 1803 un éphémère territoire en Allemagne : le second principauté de Salm (issue de l’indemnisation de Napoléon) autour du château d’Anholt en Westphalie. Ce petit État vassal de l’Empire français durera de 1803 à 1811 avant d’être absorbé par la Prusse en 1815. La dynastie de Salm-Salm, quant à elle, survit jusqu’à nos jours : ses descendants résident toujours au château d’Anholt et continuent à porter le titre princier honorifique. En 1871, le traité de Francfort fait rebondir l’histoire de l’ancienne principauté : le nouvel Empire allemand annexe l’Alsace et réclame certaines communes historiquement liées à Salm. Onze communes de la vallée de la Bruche (dont La Broque, Grandfontaine, Plaine, Saulxures…) et sept du canton de Saales, jusque-là rattachées aux Vosges, sont transférées au Bas-Rhin allemand. Les frontières de 1793 sont ainsi partiellement revues, et ce n’est qu’en 1918 que l’intégrité vosgienne de l’ex-principauté sera rétablie (sauf pour la partie demeurée dans le Bas-Rhin). Aujourd’hui, le souvenir de la principauté de Salm-Salm demeure vivace localement : Senones revendique fièrement son statut d’« ancienne capitale princière », classée Petite Cité de Caractère depuis 2020, et de nombreuses archives et vestiges (châteaux de Salm et de Pierre-Percée, bornes de limite, mines, etc.) témoignent de ce passé singulier.

Généalogie des maisons régnantes de Salm et Salm-Salm

La maison de Salm, d’ascendance lorraine et luxembourgeoise, compte parmi les grandes lignées nobles du Moyen Âge lorrain. Elle puise son origine chez les comtes de Salm en Ardenne (actuel Luxembourg) issus de la maison de Luxembourg : le comte Hermann Ier de Salm fut même élu roi des Romains en 1081 (antiroi opposé à Henri IV du Saint-Empire). Son fils Hermann II de Salm († vers 1135) est l’ancêtre de la branche vosgienne : il devient vers 1100 l’avoué de l’abbaye de Senones, obtenant ainsi des terres dans la haute vallée de la Bruche. Marié à Agnès de Langstein (famille de Bar), Hermann II acquiert aussi la forteresse de Pierre-Percée et la région de Badonviller, créant un puissant domaine à cheval sur la Lorraine et l’Alsace. Son petit-fils Henri III de Salm († vers 1240) construit le château de Salm vers 1205-1225 sur les terres de l’abbaye de Senones, assoyant définitivement la famille en terre vosgienne. Henri III et son fils Henri IV († 1287) consolident la puissance des Salm, notamment par des alliances prestigieuses (mariages avec les maisons de Bar, de Dabo, de Metz). Henri IV, sénéchal héréditaire de Lorraine, entre en conflit avec l’évêque de Metz qui lui arrache temporairement ses châteaux de Salm et Pierre-Percée en 1258. La famille parvient néanmoins à récupérer ses fiefs et à les transmettre.

Au XVe siècle, se produisent deux unions cruciales qui lient les Salm aux comtes rhénans : en 1459 Jeannette de Salm épouse Jean V Wild- und Rheingraf de Dhaun (comte sauvage du Rhin), transmettant à ce lignage le nom et les armes de Salm. Puis, en 1570, Françoise de Salm (sœur de Jean IX) épouse le rhingrave Frédéric de Salm-Dhaun – c’est ce couple mixte (Frédéric, protestant, et Jean IX, catholique) qui s’empare du pouvoir à Senones en 1571. Jean IX de Salm (1525-1600) meurt sans descendance, marquant l’extinction de la première dynastie des comtes de Salm-en-Vosges. Sa nièce Christine de Salm (1575-1627) hérite de ses droits et épouse le duc François II de Lorraine (de Vaudémont). Christine apporte ainsi la moitié du comté de Salm dans le giron des ducs de Lorraine – leur fils le duc Charles IV intégrera définitivement cette part au duché en 1632.

Parallèlement, la branche issue du rhingrave Frédéric conserve l’autre moitié du comté et inaugure la lignée des princes de Salm (seconde dynastie de Salm-en-Vosges). Le premier prince, Philippe-Othon de Salm (1575-1634), cité plus haut, est suivi de son fils Louis (ou Léopold) de Salm (1618-1636) puis de Charles-Théodore-Othon (1645-1710) et Louis-Othon (1674-1738). Louis-Othon, prince de Salm et dernier du nom, ne laisse que trois filles dont Dorothée de Salm (1702-1751). Celle-ci épouse en 1719 son cousin Nicolas-Léopold de Salm-Hoogstraten (1701-1770), réunissant les deux rameaux familiaux. Nicolas-Léopold devient en 1738 prince régnant et fonde la troisième dynastie, celle des princes de Salm-Salm. Le couple aura une descendance prolifique de 18 enfants, assurant de nombreuses alliances avec les grandes maisons européennes. Parmi leurs enfants, citons : Louis-Charles-Othon (1721-1778), initialement destiné à l’état ecclésiastique en raison d’une difformité, qui renonce à ses vœux pour succéder finalement à son père en 1770 (il mourra sans postérité) ; Constance de Salm (1767-1845), poétesse et princesse de Salm-Dyck par mariage ; Guillaume-Florentin de Salm (1745-1810), évêque-prince de Tournai puis archevêque de Prague ; ou encore Emmanuel de Salm-Salm (1742-1808), colonel propriétaire du régiment Salm-Salm en 1783. Après l’extinction de la branche aînée, c’est le petit-fils de Nicolas-Léopold qui hérite du titre : Constantin-Alexandre (1762-1828), dernier prince souverain, émigré en 1791 et décédé sans régner effectivement sur ses terres adultes. Ses descendants, issus de son remariage morganatique avec une roturière, perpétueront cependant le nom en Allemagne.

La maison princière de Salm-Salm s’allie aux plus hautes familles : par sa mère la princesse Louise de Hesse-Rheinfels, Constantin est apparenté aux Bourbon-Parme et aux Savoie ; sa sœur Éléonore de Salm-Salm épouse le prince Joseph de Habsbourg-Vienne ; et au XIXe siècle, les Salm-Salm contractent des unions avec les Ligne, Croÿ, Löwenstein, etc. Au XXe siècle, un prince Salm-Salm s’illustrera même comme officier volontaire dans la guerre de Sécession américaine (le prince Félix de Salm-Salm). De nos jours, le chef de la maison est Emmanuel de Salm-Salm (né en 1956), qui a symboliquement renoué avec Senones en venant y commémorer en 2017 le passé de la principauté.

Archives et recherches généalogiques

Rechercher des ancêtres dans l’ancienne principauté de Salm-Salm nécessite de consulter des archives réparties principalement entre les Vosges et le Bas-Rhin, en raison des changements de frontières et de souveraineté. On y rencontrera des particularités liées à l’histoire du territoire : anciens registres rédigés en latin ou en allemand, lacunes dues aux guerres, unités administratives spécifiques (paroisses, bailliages princiers) et même un système de mesures différent (pieds de Lorraine, livres de 16 onces, etc.). Voici les principales pistes de recherche :

  • Actes d’état civil et registres paroissiaux Avant 1793, les actes de baptême, mariage et sépulture des habitants étaient tenus par les paroisses catholiques du lieu, sous l’autorité de l’abbaye de Senones puis du diocèse de Toul. Ces registres paroissiaux couvrent généralement la période ~1650-1792 (avec parfois des débuts plus tardifs selon les paroisses, notamment là où les registres antérieurs ont disparu pendant la guerre de Trente Ans). Par exemple, Senones possède des registres remontant à 1694 (ceux de 1694-1734 ayant été reconstitués d’après des copies). Après l’annexion, l’état civil républicain est instauré dès fin 1793 dans les communes de l’ex-principauté. Les Archives départementales des Vosges conservent les registres paroissiaux et d’état civil des communes aujourd’hui vosgiennes (ex. Senones, Moussey, Le Mont, etc.), consultables en ligne sur la base « Généalogie des Vosges ». Pour les communes passées au Bas-Rhin (La Broque, Grandfontaine, Plaine, Saulxures…), les registres jusqu’en 1870 ont transité entre dépôts : en 1871, l’administration allemande a déplacé certains registres vers Strasbourg ; une partie a été restituée en 1922. Aujourd’hui, les Archives départementales du Bas-Rhin détiennent les registres d’état civil et paroissiaux post-1793 de ces localités, tandis que les registres antérieurs à 1793 se trouvent soit aux AD Vosges (fonds de l’ex-district de Senones), soit aux AD Bas-Rhin en série E-dépôt. Il est donc recommandé de vérifier les deux dépôts pour les périodes charnières (par exemple, Plaine et Grandfontaine ont leurs registres pré-révolutionnaires aux AD Vosges, sous forme de copies microfilmées provenant de dépôts locaux).
  • Notariat et actes notariés : La principauté de Salm-Salm disposait de notaires seigneuriaux compétents pour les contrats de mariage, testaments, ventes, etc., distincts du notariat royal français. Après 1793, ces études notariales ont été intégrées au notariat français, et leurs archives ont été en partie versées aux dépôts publics. Les actes antérieurs à la Révolution, rédigés en français (ou en allemand dans certains contrats en zone alsacienne), présentent parfois des formules de droit lorrain. Les Archives des Vosges conservent de nombreux minutes notariales des XVIIe-XVIIIe siècles en série E, classées par étude et par commune. Par exemple, les études notariales de Senones, Allarmont ou Badonviller couvrent le territoire salmien. Les Archives du Bas-Rhin détiennent également des minutes notariales pour La Broque, Schirmeck et environs (série E et fonds du Musée Oberlin pour Vipucelle-La Broque). La consultation de ces minutes nécessite souvent de déchiffrer des écritures anciennes (texte en français de chancellerie ou écriture allemande Fraktur selon le notaire). On y trouve des informations précieuses sur les généalogies locales (contrats de mariage indiquant filiation et dots, partages successoraux listant les enfants, etc.).
  • Recensements et population : Sous l’Ancien Régime, il n’y a pas de recensement moderne dans la principauté. Cependant, des dénombrements de feux ou listes de ménages ont pu être établis à l’occasion du partage de 1598 et de la réorganisation de 1751. Par exemple, l’inventaire de 1598 cité plus haut énumère les propriétaires de 133 maisons à Badonviller et dans chaque village du comté – un document précieux pour situer les familles salmiennes à la fin du XVIe siècle. Aux Archives des Vosges, on pourra consulter le répertoire numérique de la sous-série III C consacré au comté et à la principauté de Salm (inventaire établi par J. Kastener), qui liste ces documents. Après 1793, la statistique française réalise des recensements périodiques (à partir de 1795, puis surtout au XIXe siècle : 1836, 1841, etc.). Ces listes nominatives par commune sont disponibles aux AD Vosges (série M) et AD Bas-Rhin (série M dépôt pour la période annexée). Par ailleurs, le cadastre napoléonien réalisé vers 1808-1825 couvre l’ex-principauté : les plans et registres cadastraux (série P aux AD) permettent de localiser les parcelles de vos ancêtres et d’apprécier l’évolution des lieux.
  • Archives seigneuriales et administratives : Une grande partie des archives de la principauté de Salm-Salm (titres de propriété, correspondance princière, registres de la chancellerie, etc.) a été confisquée en 1793 puis transférée à Épinal. Malheureusement, en 1871, lors de l’annexion allemande de l’Alsace, plusieurs liasses d’archives salmiennes ont disparu : l’administration allemande a prélevé des documents relatifs à la principauté dans le dépôt d’Épinal, et ce n’est qu’en 1922 qu’une partie (28 liasses) a été restituée par le Bas-Rhin. Le fonds rescapé est conservé aux Archives des Vosges en sous-série 3 C (anciennement IIIC), et contient notamment les accords de 1751, des registres de délibérations du conseil princier, des documents fiscaux (états de collectes) et la correspondance de Nicolas-Léopold. Ces documents sont en français ou en latin, avec parfois des cachets et sceaux princiers (ex. le sceau à l’aigle des Salm). Les Archives nationales à Paris conservent quant à elles les textes officiels liés à l’annexion de 1793 (décret de la Convention, minutes des négociations) ainsi que le traité de 1751 original (fonds AE, Affaires étrangères). Les généalogistes pourront y trouver les lettres de naturalité accordées aux habitants de Salm en 1795, qui listent les personnes intégrées à la citoyenneté française.
  • Archives militaires : Pour les ancêtres originaires de Salm susceptibles d’avoir servi dans les armées, plusieurs sources sont exploitables. Avant 1793, certains habitants ont pu s’engager dans le régiment de Salm-Salm (1783-91) ou dans d’autres unités lorraines/impériales. Les dossiers individuels de ces militaires peuvent se trouver au Service historique de la Défense (SHD) de Vincennes (pour le service français, voir la série XIV sur les troupes étrangères, régiment de Salm-Salm) et aux archives autrichiennes (Kriegarchiv de Vienne pour les officiers impériaux salmiens). Après 1793, les jeunes gens de l’ex-principauté ont été soumis à la conscription française : les registres matricules et listes de conscrits du département des Vosges (série R des AD Vosges, à partir de l’an VIII) incluront les communes de Senones et environs. Les états de service des nobles Salm-Salm ayant émigré (par ex. officiers de l’armée des Princes en 1792) sont parfois retracés dans les dossiers d’émigrés (série D/os aux Archives nationales). Enfin, notons que l’abbaye de Senones elle-même servit d’hôpital militaire sous le Directoire, ce qui a généré des archives médicales (malades, décès de soldats) conservées en série H des AD Vosges.

Particularités paléographiques et linguistiques

La recherche généalogique dans les archives salmiennes confronte souvent à des textes anciens aux caractères spécifiques. Les registres paroissiaux jusqu’au milieu du XVIIIe siècle sont majoritairement rédigés en latin (langue de l’Église) – il faut donc savoir traduire les formules latines usuelles (baptizatus fuit…, filia legitima de…) et les prénoms latinisés. À partir des années 1760, on observe le passage au français dans les registres, la principauté s’alignant sur l’usage lorrain. Les minutes notariales et documents administratifs sont généralement en français (les princes de Salm-Salm utilisaient le français dans leurs chancelleries, langue de prestige en Europe à l’époque). Toutefois, dans la partie alsacienne (La Broque, etc.), certains actes privés pouvaient être tenus en allemand : on peut ainsi rencontrer de l’écriture gothique allemande (Kurrentschrift) dans des contrats ou correspondances locales. Les noms de lieux et de personnes présentent des variantes : par exemple, Grandfontaine est aussi appelé Großenschlag dans les textes germaniques, La Broque s’orthographiait Bruck en allemand, et les patronymes pouvaient être francisés ou germanisés selon le scribe (ainsi Nicolas vs Nikolaus, Claude vs Claus). Il convient d’être attentif à ces équivalences. Par ailleurs, l’orthographe n’étant pas encore fixée, on trouve des noms fluctuants : ex. Mangin/Mangein pour Manche, Didion pour Didier, etc., dans les registres de Senones. Enfin, les généalogistes noteront que la principauté étant hors du royaume de France avant 1793, les actes ne sont pas soumis au timbre ni au contrôle royal : on n’y trouvera donc pas d’insinuations des contrats de mariage dans les registres de contrôle (série B) comme en France, mais plutôt dans les notaires locaux.

Ressources

  • Histoire et monographie locale : G. & M.-Th. Fischer, « Salm, famille de », Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, vol. 33, 1998 – notice détaillée sur l’histoire des Salm et de la principauté. Voir aussi l’ouvrage collectif Histoire des terres de Salm (éd. 1989, célébrant le bicentenaire de la réunion à la France). Ces travaux retracent les dynasties salmiennes et offrent des bibliographies riches.
  • Archives départementales des Vosges (AD 88) – Fonds de la Principauté de Salm : sous-série 3 C, Comté et Principauté de Salm, inventaire par J. Kastener (Épinal, 1974). Contient titres féodaux, partages de 1598, traité de 1751, registres administratifs, etc. Séries E (notaires de Senones, etc.), L (biens nationaux de Salm 1793-1796), M (population, recensements, an II), R (conscriptions). Archives dép. du Bas-Rhin (AD 67) – fonds E et E-dépôt pour les communes de l’ex-canton de Schirmeck (La Broque…), état civil et notaires locaux. Les archives en ligne des deux dépôts permettent l’accès aux registres numérisés.
  • Sources imprimées du XIXe siècle : Le baron F. de Seillère, Documents pour servir à l’histoire de la principauté de Salm-en-Vosges et de la ville de Senones (Bulletin de la Soc. Philomatique Vosgienne, 1893-1894) – recueil de textes originaux dont l’inventaire de 1598 des biens du comté. J. G. Journel, Histoire de la ville de Senones (1887), avec annexes sur les registres paroissiaux. Ces ouvrages sont consultables sur Gallica ou en bibliothèques.
  • Sites internet et bases de données : Ville de Senones – page La Principauté de Salm-Salm sur senones.fr, résumé historique concis. Office de Tourisme Vosges Portes d’Alsace – article Comtés & Principauté de Salm, retraçant l’histoire locale (abbaye de Senones, châteaux, etc.). Geneawiki (pages Senones, La Broque) – informations généalogiques collaboratives (dépouillements d’actes, anecdotes). FranceArchives – recherche sur Salm-Salm pour trouver les inventaires en ligne des archives (ex. notice du fonds 3 C) et le contexte administratif. Persée/OpenEdition – articles universitaires, notamment M. Harter, « Le sort des archives en 1871 » (2001) évoquant la spoliation des archives salmiennes et leur restitution. Ces ressources offrent un complément utile pour approfondir l’histoire et guider vos recherches généalogiques.