Retrouver un ancêtre esclave chrétien : la base « PIQUELINE » (1637‑1785)

1. Pourquoi des Français se retrouvent‑ils esclaves en Barbarie ?

Du XVIe au XVIIIe siècle, les corsaires d’Alger, Tunis, Tripoli et Salé — qu’on nomme alors Barbaresques — écument la Méditerranée et l’Atlantique. Ils capturent navires et passagers pour alimenter un marché florissant : celui des esclaves chrétiens. Les captifs servent comme rameurs, artisans, domestiques ou contre rançon. L’historien Robert C. Davis estime qu’entre 1530 et 1780, plus d’un million d’Européens auraient été réduits en servitude sur la côte d’Afrique du Nord.
Pour la seule ville d’Alger, on compterait 25 000 à 30 000 captifs au milieu du XVIIe siècle.

2. Qui organise le rachat des captifs ?

Face à ce fléau, deux ordres religieux rédempteurs prennent le relais des familles et des États :

  • Ordre de la Très‑Sainte‑Trinité (Trinitaires) – fondé en 1194.
  • Ordre de Notre‑Dame de la Merci (Mercédaires) – fondé en 1218.

Ces religieux sillonnent les ports français (Marseille, Toulon, La Rochelle…) pour lever des aumônes, puis négocient la libération des esclaves directement sur les marchés d’Alger ou de Tunis.
À Marseille, la présence conjointe des deux ordres a produit une documentation exceptionnelle : rôles de captifs, listes d’embarquement et comptes de rançon, aujourd’hui conservés aux Archives départementales des Bouches‑du‑Rhône (série 9 G).

3. Que contient la base « PIQUELINE » ?

ChampContenu
Nom & prénomOrthographes d’époque, parfois approximatives
ÂgeÂge au moment du rachat ou de la saisie de la liste
Date & lieu de rachat / détentionAlger, Tunis ou Tripoli
Lieu de naissanceParoisse, évêché ou grande ville la plus proche
Années de captivitéDurée estimée selon la liste originale

La base recense près de 1 800 noms issus des rôles de 1637, 1662, 1666, 1720 et 1785 — soit les plus importantes vagues de libérations identifiées à ce jour.

Attention à l’orthographe !
Tous les patronymes sont reproduits à l’identique du document original, sans modernisation. Variantes graphiques, abréviations, lettres oubliées ou inversées : rien n’a été corrigé. Un Berthelo d’époque peut donc correspondre à votre Berthelot actuel.

Pourquoi « Piqueline » ?
C’est le surnom donné à un matelot de Saint‑Malo resté 45 ans esclave à Alger, record de la base.

4. Exploiter la base pas à pas

  1. Cherchez par patronyme élargi.
    Les orthographes variant, testez Berthelo/Berthelot, Laigre/L’Aigle, etc.
  2. Recoupez avec l’état civil.
    Un captif libéré à 30 ans vers 1720 sera né vers 1690 ; vérifiez les registres paroissiaux de son diocèse.
  3. Exploitez les archives maritimes.
    Série B/4 (navires du commerce) des Archives nationales et Fonds du Consulat de France à Alger (Archives diplomatiques) comportent parfois les mêmes noms avec mention du navire capturé.
  4. Contrôlez les rôles originaux.
    Quand la cote est indiquée (ex. AD13 9 G 2761), demandez la numérisation ; vous y trouverez souvent métier, taille ou circonstances de capture.

5. Archives complémentaires utiles

DépôtSérie / CoteCe que vous y trouverez
Archives départementales 13 (Marseille)9 G (Trinitaires & Mercédaires)Rôles, comptes de quêtes, procès‑verbaux de procession
Service Historique de la Défense (Vincennes)Marine B/5Lettres de marins capturés, rapports de course
Archives diplomatiques (La Courneuve)Consulat d’Alger, cartons 1‑29Correspondance des consuls, listes de prisonniers
Archives nationales (Paris)AE/II/1197Dépêches sur la politique de rachat (Louis XIV)
BnF GallicaRés. F‑4466 (Ordre de la procession…)Placards annonçant l’arrivée des captifs rachetés

6. Pièges fréquents

  • Homonymes côtiers : plusieurs Pierre Aubert ou Jacques Baron dans une même liste.
  • Captifs « reniés » : certains convertis à l’islam changent de nom ; ils ne figurent plus dans les rôles de rançon.
  • Âges arrondis : les 20, 30 ou 40 ans « pile » sont souvent des estimations.

7. Pour aller plus loin

Ressources